Je reviens de mon dernier voyage de l’annĂ©e, du centre d’art Laboral (Gijon, SP) oĂą j’Ă©tais invitĂ© Ă l’ouverture de l’expo PlayList conçue par mon collègue Domenico Quaranta (avec qui j’avais fait Holy Fire en 2008). Pas de chance, je suis parti le vendredi 28, le jour oĂą Zaventem Ă©tait recouvert de neige. Jamais j’aurais imaginĂ© que 2 ou 3 petits centimètres de poudreuse pouvaient paralyser Ă ce point un grand aĂ©roport international (dans un monde si technologique, les pistes ne sont-elles pas chauffĂ©es Ă©lectriquement?). J’en fus quitte pour des heures d’attente, de queues interminables, une nuit forcĂ©e Ă Madrid, et bien sĂ»r j’ai complètement ratĂ© l’ouverture et le concert audio/video de VJvisualoop…
Mais qu’Ă cela ne tienne, arrivĂ© de bonne heure Samedi, j’ai pu visiter Ă mon aise PlayList, expo sur le mouvement ‘8-bit’ et la musique chiptune (c’est Ă dire gĂ©nĂ©rĂ©e en programmant directement des ‘chips’ ou processeurs simples sur une seule puce).
Si les artistes 8-bit/chiptune recyclent avec joie les veilles consoles de jeux (GameBoy, NES,…) et ordis des annĂ©es 70 ou 80 (Atari, C64 ou ZX Spectrum), ce n’est pas juste par nostalgie de leurs jouets d’enfance, ou par goĂ»t de la prouesse technique de programmer en assembleur un chip de 4k de RAM (la scène des dĂ©mos n’est pas loin). Il s’agit bien plus d’une attitude subversive, du refus de l’obsolescence planifiĂ©e, de cette sociĂ©tĂ© de consommation obligeant sans cesse Ă acheter la nouvelle gĂ©nĂ©ration de machines alors que le potentiel des anciennes est loin d’ĂŞtre Ă©puisĂ©, que leurs utopies sont loin d’avoir Ă©tĂ© vĂ©cues,…
Comme le dit Bruce Sterling, nous sommes dans l’Ă©re des ‘Dead Media’, du recyclage permanent. Ou comme l’aurait dit en 2003 (Wired) Malcom McLaren, le manager des Sex Pistols, les musiciens chiptune sont les punks d’aujoud’hui. Ou encore, comme l’a Ă©crit Walter Benjamin, ce n’est que lorsqu’un mĂ©dia devient obsolète, que l’utopie qui l’accompagnait lors de sa naissance peut enfin se rĂ©vĂ©ler car il est alors libĂ©rĂ© des contraintes d’utilitarisme, de commoditĂ© et de professionnalisme qui l’emprisonnait.
Le catalogue explore bien mieux que cet article tout ce mouvement 8-bit/chiptune et ses implications artistiques, culturelles et politiques. C’est un remarquable ouvrage avec de nombreux textes de rĂ©fĂ©rence (de Matteo Bittanti, Kevin Driscoll, Joshua Diaz, Ed Halter, Domenico Quaranta), une riche bibliographie, une discographie (avec les graphiques des pochettes de disque) et un CD mp3.
L’exposition prĂ©sente aussi bien des travaux purement audio que des animations programmĂ©es sur vieux ordis (voir par ex. sur YouTube celles de Mike Johnston/Mike in Mono sur ZX spectrum) ou en Flash (celles de Raquel Meyers dans le pur style 8-bit), des installations ou dispositifs (comme le fameux Vinylvideo de Gebhard SengmĂĽller), des documents sur les communautĂ©s microbuilder.com et micromusic.net, ou des objets sonores tels que le superbe 1-Bit Symphony de Tristan Perich proposant dans un boitier CD standard, un micro-circuit gĂ©nĂ©rant sur une programmation en 1 bit une symphonie en 5 mouvements.
Artistes:
Paul B. Davis (UK), Jeff Donaldson / NoteNdo (DE), Dragan Espenschied (DE), Gino Esposto / Micromusic.net (CH), Gijs Gieskes (NL), André Gonçalves (PT), Mike Johnston / Mike in Mono (UK), Joey Mariano / Animal Style (US), Raquel Meyers (SP), Mikro Orchestra (PL), Don Miller / No-carrier (US), Jeremiah Johnson / Nullsleep (US), Tristan Perich (US), Rabato (SP), Gebhard Sengmüller (AT), Alexei Shulgin (RU), Paul Slocum (USA), Tonylight (IT), VjVISUALOOP (IT).
Liens:
- le site de l’expo PlayList et son catalogue en pdf.
- les photos de Domenico Quaranta et Régine Debatty.
- le site de Domenico Quaranta.
- voir aussi le film “8 bit Movie: a documentary about art and video games” projetĂ© Ă Art+Game (iMAL, 2006).